Comment l’IA redéfinit-elle la manière de produire? YVES GRANDVALET SÉBASTIEN DESTERCKE Comment évaluez-vous l’état actuel de l’utilisation de l’IA dans le processus de production industrielle? Yves Grandvalet. L’avancée de l’IA varie fortement selon les industries. Certaines ont déjà des systèmes en place, d’autres commencent seulement à les tester voire sont méfiantes envers ces outils qu’elles maîtrisent peu. Il y a énormément d’investissements réalisés dans ce domaine aujourd’hui, et l’IA est amenée à être utilisée à grande échelle. Mais nous pensons qu’elle a plutôt un rôle à jouer dans tout ce qui concerne l’aide à la décision ou au diagnostic. Sébastien Destercke. On observe effectivement des degrés de maturité très différents. Des géants comme Amazon ou Tesla sont à la pointe, utilisant des robots pilotés par l’IA, tandis que d’autres entreprises restent très frileuses. Et beaucoup d’entre elles ne réalisent pas les coûts associés à l’implémentation de l’IA, qui nécessite souvent une équipe d’ingénieurs dédiée. Une des pistes qui semble se dégager est de privilégier une intelligence artificielle de recommandation plutôt que prescriptive. Dans tous les cas, cela demande du travail et une construction commune entre experts en IA et experts métiers. Pourquoi l’IA est-elle considérée comme un catalyseur majeur de l’Industrie 4.0? S. D. L’IA permet de déchiffrer rapidement de grandes quantités de données et de proposer des solutions inattendues. Un parallèle peut être fait avec l’arrivée de l’analyse numérique en mécanique des fluides, qui a considérablement réduit le besoin de tests physiques. Grâce à la capacité de calcul d’un ordinateur, il est devenu possible de quantifier en quelques secondes les écoulements de fluides, en résolvant des équations. Aujourd’hui, il est réaliste d’espérer que l’IA permette ce genre d’avancées, notamment dans l’industrie, et qu’elle soit un accélérateur des processus de production et de découverte. Quels défis majeurs les entreprises rencontrent-elles lors de l’intégration de l’IA dans leurs chaînes de production? Y. G. Les principaux défis sont la définition précise du problème à résoudre et de l’accès aux données nécessaires pour y parvenir, et la gestion des attentes parfois irréalistes qui peuvent créer de la désillusion. L’intégration de l’IA présente également des opportunités pour repenser et pour optimiser les processus de travail, en collaboration avec les équipes. Pour y parvenir, il faut beaucoup de transparence et créer de la confiance avec ses collaborateurs. Comment envisagez-vous l’avenir de la production industrielle avec l’IA dans les cinq à dix prochaines années? S .D. C’est difficile à prédire étant donné la vitesse de progression de l’IA. Il y a dix ans, personne n’aurait pu prévoir l’arrivée de technologies comme ChatGPT. L’IA sera probablement omniprésente, mais son utilisation dépendra de facteurs sociologiques, politiques et économiques. Dans tous les cas, le principal défi sera de maîtriser le potentiel innovant de ces outils. Y. G. L’espoir est d’éliminer ou de limiter les tâches très répétitives. L’automatisation du contrôle qualité, par exemple, pourrait permettre de cibler plus efficacement les produits problématiques. L’intelligence artificielle révolutionne l’industrie, en permettant une efficacité et une qualité accrues. De l’optimisation des processus à la gestion des ressources humaines, l’IA redéfinit les standards de production, tout en soulevant des questions cruciales sur l’équilibre entre l’innovation technologique et l’expertise humaine. Directeurs de recherche au CNRS et enseignants à l’Université Technologique de Compiègne (UTC) — LES INVITÉS
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